Refroidissement intelligent avec la géothermie: le refroidissement actif et le refroidissement passif forment-ils un couple parfait?
Les champs de forage géothermiques sont populaires en raison de leur capacité à fournir un refroidissement durable, idéalement passif, sans l'utilisation d'une pompe à chaleur. D'un autre côté, l'augmentation de la demande de refroidissement en été crée des défis pour la conception de champs de forage avec seulement un refroidissement passif. Cet article montre une autre voie: celle qui combine le refroidissement actif et passif (ou "libre") pour équilibrer l'efficacité, le coût et la durabilité.

Deux études de cas montrent qu'une intégration intelligente des deux modes de refroidissement permet d'atteindre une efficacité élevée (SEER jusqu'à 17) tout en réduisant la taille du champ de forage nécessaire et le coût d'investissement. Enfin, une comparaison avec le prix du CO2 de l'ETC montre que ces solutions hybrides peuvent être justifiées du point de vue du développement durable. La méthode décrite dans cet article a été développée dans le cadre de la thèse de maîtrise de Jarne De Nies et Matthijs Coninx à la KU Leuven et mise en œuvre dans GHEtool [2,3]. Ces études de cas sont basées sur des exemples qui peuvent être trouvés en détail dans la base de connaissances de GHEtool.
Systèmes géothermiques fermés: une technologie éprouvée
26% des émissions mondiales de CO2 sont imputables au chauffage et à la climatisation de nos bâtiments [1]. Si nous voulons atteindre les objectifs climatiques, il est clair qu'il faut trouver des solutions efficaces dans ce domaine. Les systèmes géothermiques fermés (appelés champs beo ou champs de forage) sont une technologie éprouvée pour le chauffage et le refroidissement durables, car ils servent de stockage saisonnier de la chaleur.
En effet, en été, la chaleur peut être stockée dans le sol où elle peut être utilisée en hiver, grâce à des pompes à chaleur, pour un chauffage efficace. Le sol est alors refroidi et peut être utilisé pour refroidir nos bâtiments en été.
L'un des grands avantages des champs de forage est que ce refroidissement peut se faire passivement (ou "gratuitement") en été, sans pompe à chaleur. Le sol étant généralement assez froid, ce froid peut être utilisé directement pour refroidir nos bâtiments. Cependant, avec la demande croissante de confort d'été, de plus en plus de forages doivent être spécifiquement conçus pour répondre à cette demande croissante de refroidissement.
À quoi ressemble un champ de forage bien conçu?
Un champ de forage est bien conçu à partir du moment où la température du fluide dans le sol reste dans certaines limites. Ces températures varient d'une région à l'autre, en fonction de la législation locale et des conditions géologiques spécifiques, et visent à minimiser l'impact des variations de température sur la vie du sol. Plus ces limites de température sont strictes, plus il faut prévoir de forages pour maintenir le fluide en circulation dans ces limites.
En ce qui concerne le refroidissement passif, il existe un défi supplémentaire de nature technique. Si le fluide devient trop chaud, le refroidissement passif n'est plus techniquement possible. Pour garantir le refroidissement passif, la température moyenne du liquide ne doit pas dépasser 16-18 °C.
Le passage d'un système de refroidissement passif à un système de refroidissement actif réduit de moitié la taille du champ de forage (et, le cas échéant, le coût de l'investissement)
Extension du champ de forage et refroidissement passif uniquement?
Avec l'augmentation de la demande de refroidissement, il devient difficile de rester en dessous de cette limite en été. Une solution consiste à agrandir le champ de forage, en réduisant l'injection de chaleur spécifique (en W/m de forage), ce qui permet de poursuivre le refroidissement passif. Cependant, cela augmente considérablement le coût d'investissement du champ de forage, ce qui risque de rendre l'ensemble de la solution géothermique irréalisable.
Ou un refroidissement actif après tout?
Une autre solution consiste à opter pour le refroidissement actif, où la pompe à chaleur assure le refroidissement à l'intérieur du bâtiment et injecte activement de la chaleur dans le sol. Cela pourrait faire passer notre limite maximale de 16-18 °C à, disons, 25 °C (même si ce chiffre dépend de la législation locale). Cela permet d'assouplir les critères de conception et de créer des champs de forage plus petits et plus abordables. L'inconvénient, cependant, est que le refroidissement actif est moins efficace que le refroidissement passif en raison de l'étape de compression dans la pompe à chaleur (un SEER de ~7 au lieu de 20-25 pour le refroidissement passif), ce qui entraîne une consommation d'électricité plus élevée.
Tableau 1: Quelques chiffres clés concernant la demande de chaleur et de froid
Deux études de cas: un auditorium et un immeuble de bureaux sous la loupe
Pour illustrer le potentiel du refroidissement actif et passif, nous avons examiné deux bâtiments dont la demande de refroidissement est généralement élevée: un auditorium et un immeuble de bureaux. Les deux bâtiments, situés en Belgique, ont fait l'objet d'une simulation dynamique à une résolution horaire, dont certains chiffres clés sont présentés dans le tableau 1. Les figures 1 et 2 montrent les courbes de durée de charge respectives.


Ensuite, les champs d'alésage des deux bâtiments ont été dimensionnés avec GHEtool pour le refroidissement passif et actif (avec une limite de température de 17 °C et 25 °C respectivement). Les résultats sont présentés dans le tableau 2.
Lorsque l'on passe d'une conception de refroidissement passif à une conception de refroidissement actif, le champ de forage est divisé par deux (et, si nécessaire, le coût d'investissement). Cela apparaît également clairement à l'examen des figures 3 et 4. Le champ de forage ne s'approche jamais de la température minimale, ce qui confirme que l'ensemble du champ de forage doit être conçu pour la température maximale pendant le refroidissement.


Une autre partie de l'histoire est, bien sûr, la consommation d'électricité. Pour les deux bâtiments, celle-ci augmente d'un facteur de 2,5 lorsque l'on passe du refroidissement passif (avec un SEER de 20) au refroidissement actif (avec un SEER de 7).
Cela soulève la question suivante: est-il possible de combiner le meilleur des deux mondes? Le champ d'exercice peut-il être conçu pour un refroidissement actif, tout en continuant à fournir un refroidissement passif dans la mesure du possible, lorsque la température du sol le permet?
91% de la demande de refroidissement de l'auditorium peut être satisfaite de manière passive, ce qui donne un SEER effectif moyen de 17,06 - presque aussi bon qu'un refroidissement passif pur
Actif et passif: le duo parfait
Une façon de combiner le refroidissement actif et passif sur le même forage est d'utiliser un seuil de température qui sélectionne l'un ou l'autre mode de refroidissement. Par exemple, lorsque la température du fluide est inférieure à 17 °C, le refroidissement passif peut être utilisé, tandis qu'une température supérieure à 17 °C nécessite un refroidissement actif. En procédant de la sorte, nous pouvons garantir que la proportion de refroidissement passif est la plus élevée possible, alors que notre champ de forage est conçu pour le refroidissement actif [2,3].
Lorsque cette méthode est appliquée au cas de l'auditorium, il s'avère que 91% de la demande de refroidissement (sur une période de 20 ans) peut être satisfaite de manière passive, ce qui donne lieu à un SEER effectif moyen de 17,06 - presque aussi bon que le refroidissement passif pur. La figure 5 montre un gros plan des deux premières années de la période de simulation, où l'on peut voir que la quasi-totalité du refroidissement estival peut être assuré de manière passive, à l'exception de quelques grandes capacités de pointe, où le refroidissement actif prend le relais. La figure 6 montre que même après la première année, la part du refroidissement actif reste constante.


Pour l'immeuble de bureaux, la situation est légèrement différente. Comme ce bâtiment a à peu près la même demande de chauffage et de refroidissement sur une base annuelle, le SEER moyen sur 20 ans n'est "que" de 12,2, ce qui représente 66% de la demande totale de refroidissement. La figure 7 montre le profil du refroidissement, en notant que le refroidissement actif est plus prononcé dans le cas de l'immeuble de bureaux que dans celui de l'auditorium situé au-dessus. La figure 8 montre que, comme le sol se réchauffe légèrement d'année en année, la proportion de refroidissement actif, contrairement à ce qui se passait auparavant, augmente au fil du temps.


La combinaison du refroidissement passif et actif est-elle durable?
La question clé est maintenant de savoir si cette solution est durable. Il est évident que l'utilisation de l'électricité pour le refroidissement actif est moins souhaitable que l'utilisation du refroidissement passif gratuit, mais il est toujours important de mettre les choses en perspective, à la fois en termes d'émissions de CO2 et d'énergie renouvelable.
Dans la perspective du système d'échange de quotas d'émission (ETS)
Au moment de la rédaction de ce rapport (3 avril 2025), le coût d'une tonne d'émissions de CO2 en Europe est de 68,55 euros. L'intensité moyenne en carbone de l'électricité en Belgique est d'environ 138 g CO2/kWh [4]. Cela signifie que la combinaison du refroidissement actif et passif entraîne une consommation d'électricité supplémentaire de 324 kWh pour l'auditorium et de 7.185 kWh pour l'immeuble de bureaux, par rapport à un refroidissement passif à 100%. Cela équivaut à des émissions de CO2 supplémentaires de 2,24 tonnes et 49,58 tonnes sur une période de 50 ans, respectivement pour l'auditorium et l'immeuble de bureaux.
Si nous devions investir davantage dans notre forage pour répondre passivement à la totalité de la demande de refroidissement, cela représente un investissement supplémentaire de 66.160 € et 458.480 € pour l'auditorium et les bureaux respectivement (avec une hypothèse de 40 €/m forage). Cela équivaut à un coût effectif de 29.536 €/t et 9.247 €/t de réduction de CO2 (sans compter le CO2 libéré par l'installation de forages supplémentaires). La comparaison avec le prix du SCEQE montre que l'option du refroidissement passif à 100% est 100 à 400 fois plus chère que l'achat de certificats d'émission pour obtenir la même réduction d'émission.
La piste du refroidissement passif à 100% est 100 à 400 fois plus chère que l'achat de certificats d'émission pour obtenir la même réduction d'émission
Alimentation par de l'électricité non polluante
Outre la comparaison avec le système d'échange de quotas d'émission, la tendance est également à l'augmentation de la production de panneaux solaires en été, ce qui nous permet d'obtenir une électricité pratiquement exempte d'émissions et (presque) gratuite. Dans ce contexte, le refroidissement actif peut même être considéré comme un moyen de stabiliser le réseau électrique, tandis que nous stockons l'énergie (sous forme de chaleur) dans le sol, où elle contribue à un chauffage plus durable en hiver.
Références
[1] AIE (2023), Tracking Clean Energy Progress 2023, AIE, Paris https://www.iea.org/reports/tracking-clean-energy-progress-2023, License: CC BY 4.0.
[2] Coninx, M., De Nies, J. (2022). Cost-efficient Cooling of Buildings by means of Borefields with Active and Passive Cooling (Refroidissement rentable des bâtiments au moyen de champs de forage avec refroidissement actif et passif). Mémoire de maîtrise, Département de génie mécanique, KU Leuven, Belgique.
[3] Coninx, M., De Nies, J., Hermans, L., Peere, W., Boydens, W., Helsen, L. (2024). Refroidissement rentable de bâtiments au moyen de champs de forage géothermiques avec refroidissement actif et passif. Applied Energy, 355, Art. No. 122261, https://doi.org/10.1016/j.apenergy.2023.122261.
[4] Ember (2024); Energy Institute - Statistical Review of World Energy (2024)